Deux ouvrages différents sur la naissance :

- "De vous à nous", livre-témoignage, recueil

Chuchotements...confidences...de femmes , de sages-femmes, de pères, ...instants prècieux, uniques, souvent heureux, parfois douloureux..."De Vous à Nous" , à l'aide de récits et poemes admirablement illustrés par des dessins originaux de Myriam Bourianne, nous emmene, loin des rails de la technologie obligée, sur les chemins de la Naissance, de la Vie, de l'Amour...

- "Mémoires d'une sage-femme de campagne, ou La sage-femme aux 3.000 enfants" : Auto-biographie d'une femme, d'une mère, d'une sage-femme

" A mes enfants et mes petits enfants " Pierrette GRANEREAU

1943, mon premier accouchement :

Un bruit de pas sur la route, un vélo qu'on accote au mur de la maison... Je suis déjà hors du lit, j'ouvre la fenêtre -. "Faut venir, Ici femme accouche ". Je m'habille fébrilement et prends mon vélo. Le mari m'attend, placide et rôdé à cet événement : il s'agit de Ia troisième naissance. Nous pédalons côte à côte : "Il faudrait que ce beau temps dure, il y a le tabac à rentrer. Heureusement on a fini les battages!"

La lune au plein me sourit lune des assassins, dit-on. Pour moi elle fut souvent favorable aux naissances accouchements plus rapides, enfants plus vigoureux. Fera t-on un jour des statistiques sérieuses sur son influence ? Les poussins brisent la coquille avec vigueur, les grains germent plus vite et les cèpes de notre belle forêt poussent drus, fermes et sains, et encore plus savoureux, lorsqu'elle présente sa rondeur.

La ferme est éclairée. Malgré la douceur de cette nuit d'août, un grand feu flambe dans la cuisine, un énorme chaudron plein d'eau bouillante et fumante accroché à la crémaillère. Trois voisines sont là, curieuses et efficaces. La future maman va et vient, prend appui sur le dos des chaises à chaque contraction, Un examen rapide me renseigne : bonne dilatation, tête engagée, tout va bien. Par la fenêtre ouverte, "ma" lune, goguenarde, semble me dire "Alors, on doute encore de sa puissance ?" "Portez Ia table de la cuisine dans la chambre, donnez-moi des draps, des serviettes, versez de l'eau bouillante dans des récipients afin qu'elle refroidisse." Sur Ia table que je recouvre d'un drap propre, j'étale mes instruments - pinces, ciseaux, stéthoscope, seringues, aiguilles à suturer, ampoules, flacons, coton hydrophile puis une serviette éponge où je poserai le nouveau-né, la petite chemise, les langes, le "maillot" (on était encore loin des couches à jeter et des jambes laissées libres). J'encourage cette femme courageuse qui serre les dents à chaque douleur.

Elle a maintenant une plainte plus gutturale qui m'annonce la fin de la dilatation. Je l'installe sur le lit, jambes relevées en flexion sur le ventre. Le bassin de lit, nettoyé au Dakin (que j'apporte toujours), est glissé sous les fesses, un drap roulé sous les reins soulève le bassin de la parturiente et amortit la dureté du métal. Je m'installe à genoux, face à ce périnée qui déjà se tend, ce vagin qui se dilate, et que je masse de mes doigts. Je commence à voir la masse noire et visqueuse des cheveux. Lci plainte, à chaque contraction, devient un "han han" de gorge. Un violent effort irrépressible pousse le petit crâne -. "Poussez, poussez, madame, encore, encore, encore... Le bébé va être là, respirez à fond, courage Encore quelques efforts ! Poussez, poussez toujours, toujours, tirez sur vos cuisses, encore, encore !" Un cri profond, déchirant, se termine par un râle de soulagement. Je tiens la tête du nouveau-né,, la remonte doucement, les épaules franchissent la sortie du vagin, et, merveille ! le petit corps rose et gluant suit. Je le pose sur le ventre de la maman, calmée, lasse mais radieuse.

Les premiers cris du bébé ameutent la maisonnée, les petits frères entrouvrent la porte : "C'est quoi ?", "Une petite fille !" Le papa, inutile et ému, est là, bras ballants. Je prends ce petit être, masse chaude, souple, vivante, petite larve qui ,a tant besoin de protection que je voudrais le garder serré contre mon cœur, pour moi, et ce sentiment maternel usurpé, je le ressentirai à chaque naissance. Je m'en défends en m'activant . vérification des réflexes, ligature et pansement du cordon, gouttes dans les yeux, nettoyage du corps, habillement. Un œil sur la maman, je vérifie si elle ne saigne pas trop, puis ce sera la délivrance, sortie du placenta, sa vérification, la mise au propre, surveillance discrète avant de prendre enfin le chemin du retour,

Je suis lasse mais heureuse, attendrie, fière même. Je prends mon vélo et, seule cette fois, le pédale allègrement. Une brume bleutée monte du sol tandis que la lune, satisfaite, disparaît à l'horizon. C'est ainsi que se passa mon premier accouchement en 1943.

Par la suite, il y en eut d'aussi faciles, de dramatiques, de difficiles, de dystociques, il y eut des incidents, des accidents. Il y eut des situations amusantes, étonnantes, burlesques, pathétiques.

C'est parmi ces 3000 accouchements pratiqués par mes soins durant près de 40 ans, que pour mes enfants et petits-enfants, j'ai essayé de faire revivre les instants les plus marquants, tout en regrettant de n'avoir pas pris de notes, car ma mémoire ne pourra rendre la puissance des sentiments et des situations, des ambiances et des mœurs d'une époque qui paraît déjà bien loin.

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Lors de ma formation à Chateauroux, j'avais rencontré une sage-femme de l'association Femmes/Sages-femmes et elle proposait ces livres et je les lui ai achetés... Que dire, si ce n'est qu'ils sont très beaux et que je les ai dévorés...?

Le premier est un recueil d'écrits de parents, de sages-femmes, de pères et mères. Liés à tous les thèmes entourant la naissance (dont le deuil) et c'est très émouvant.

Le second se lit presque comme un roman, on entre dans la vie de cette femme et on n'en sort pas jusqu'à la fin...